Retour: textes disponibles

Colloque sur l'enseignement et la pratique des Architectes-Paysagistes

conférence donnée à Barcelone le 18 novembre 1995

I - introduction

 

Mon exposé sera centré sur la question posée par Manuel RIBAS en introduction de ce congrès: "Quelles sont les relations entre l'exercice de la profession d'Architecte-Paysagiste et celui de l'Enseignement" et "Comment le premier peut-il nourrir le second ? ".

 Sans attendre,  je répondrai à cette question en inversant simplement la proposition qu'elle contient:
Pour un professionnel, une pratique longue, intense et soutenue de l'enseignement (de l'enseignement du projet), est un champ d'expériences et de réflexions nécessaire pour prendre de la distance et  éclairer, en retour, sa pratique professionnelle.
Il doit avoir accompli cet effort de distanciation pour que son  professionnalisme devienne alors  utile à l'enseignement.

J'introduis donc l'idée que la transmission de l'expérience professionnelle, dans le cadre de l'enseignement, a besoin d'être interrogée et ajustée longuement par la pédagogie du projet et sans doute aussi, besoin d'être amplifiée par l'intégration de cette même expérience dans un champ théorique beaucoup plus vaste.
Une transmission trop directe de la pratique d'un métier est souvent réductrice et donc nuisible à la formation de l'étudiant.

Je m'en explique :

 II - Les problèmes que pose un enseignement en filière trop directe avec la pratique professionnelle

 1/ Un bon professionnel n'est pas forcément un bon enseignant

 Un professionnel qui n'est pas initié à la pédagogie a souvent tendance à privilégier, dans son enseignement,   la validation du résultat final au détriment du démontage et de l'explication  de la genèse du projet dont les étapes restent  mystérieuses et confuses. En négligeant l'ensemble de la démarche personnelle qui conduit au projet, en sur-valorisant le talent, il favorise les conduites d'imitation, de répétition ou les effets de mode.
Or, tout au long de l'enseignement du projet, un certain nombre de questions difficiles se posent : comme celle d'inciter l'ensemble des étudiants à projeter, comme celle de l'intégration progressive, dans leur travail d'élaboration, des multiples contraintes  du programme et des données du site, celle de la cohérence de chaque étudiant dans son propre cheminement conceptuel, celle de la hiérarchisation des valeurs à l'intérieur de sa propre démarche etc.
Souvent les professionnels répondent mal à ces questions car les sources de leur propre création, leur mode de production, la manière dont ils intègrent et hiérarchisent les données sont gardés secrets. Seuls les éléments qui légitiment l'image finale ou la réalité construite de leur projet, sont explicités.

L'étudiant a personnellement  besoin que l'enseignant l'accompagne et l'initie à toutes les phases de la conception pour qu'il devienne capable, sans faire appel à des modèles, de surmonter lui-même les nombreuses difficultés qu'il rencontre à chaque étape.

 2/ La pratique professionnelle est toujours située dans un temps et un lieu particuliers, elle est conjoncturelle. L'enseignement doit, lui, préparer les étudiants à devenir les professionnels de leur temps.

Si l'on considère le temps A, où l'étudiant reçoit sa formation en école et le temps B où il devient réellement opérationnel, 10 à 15 ans s'écoulent.
Pour avoir, en tant qu'enseignant, franchi deux fois déjà ce cycle de maturation, j'ai pu constater que la nature même de la question du Paysage, ses échelles d'intervention, les attendus sociaux qui s'y réfèrent   se sont fortement modifiés .
La réhabilitation des grands ensembles, celle  les friches industrielles ou rurales, la dynamique des grandes infrastructures, l'élargissement de l'idée même de territoire, la restauration de la pensée des espaces publics sont des notions qui ne faisaient pas encore l'objet de mon travail de professionnel lorsque j'ai commencé mon enseignement à l'École de Versailles.
Or parce que l'équipe enseignante à laquelle je participais, était centrée sur une pédagogie ouverte du projet, ces nouvelles questions ont pu être intégrées très tôt dans la formation et parfois même elles ont été très largement anticipées.
La formation doit dépasser la simple reconduction des pratiques professionnelles en cours, elle doit préparer l'étudiant à savoir répondre, le moment venu, à de nouvelles situations, à de nouvelles demandes sociales.

3/ La pratique professionnelle et la pratique enseignante relèvent de dynamiques différentes

 - Dans la pratique professionnelle tout le processus d'élaboration du projet, de la prise en compte des données, jusqu'à la proposition finale de transformation spatiale, est concentré le plus souvent sur une seule personne assistée parfois d'une équipe qu'elle coordonne.
Le principe de réalité est d'autre part, déterminant. La complexité est abordée de front ; il y a   simultanéité des divers niveaux d'approches et de résolution des difficultés, les différentes phases y sont souvent confondues.
- Dans l'enseignement, ce qui préside à l'élaboration du projet est fragmenté entre un étudiant qui a peu ou pas d'expérience et plusieurs enseignants qui participent, à divers niveaux, à sa formation, elle-même échelonnée sur plusieurs années.
Le principe de réalité est ici simulé, nous y reviendrons.
La complexité de l'approche pose d'énormes problèmes à l'étudiant. Les domaines de connaissances auxquels il doit faire appel pour faire son projet sont si nombreux et de natures si différentes qu'il a souvent tendance à les négliger au profit du travail créatif qui l'occupe entièrement D'où la difficulté que connaissent toutes les écoles centrée sur l'enseignement du projet, à organiser la progression de la formation et notamment celle de l'acquisition des connaissances pour qu'elle établisse des rapports étroits avec la dynamique de conception. Le projet qui devrait être le temps où s'élabore une synthèse provisoire de la formation est trop souvent  celui d’une démarche autonome, exclusive.
Un professionnel  gère et concentre dans un même temps et dans une même dynamique les acquis de son expérience et la multiplicité des nouveaux  paramètres qui alimentent son projet.  Le temps de la formation de l'étudiant est, au contraire, découpé par la succession des divers champs de connaissances et de pratiques  et par les années d'étude nécessaires. La pédagogie est l'instrument singulier de la pratique enseignante qui doit rassembler et donner de la cohérence à tous ces fragments.

III - mon expérience pédagogique

1/ Son  cadrage

J'enseigne la pratique du projet à l'École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles depuis 1971.

Depuis vingt-cinq ans ,  cette école affirme la place centrale de la formation au projet dans le cursus de tous ses étudiants. Elle a, jusqu'aujourd'hui, su résister à de nombreuses injonctions de son Ministère de tutelle visant à diversifier et spécialiser l'enseignement pour former différents profils de paysagistes: des paysagistes projeteurs qui s'intéresseraient aux aménagements urbains et des paysagistes "plus scientifiques" qui  s'intéresseraient au grand territoire.
Nous pensons, au contraire, que le découpage de la formation selon les différentes échelles du paysage est une erreur. La capacité de transformer l'espace et donc  de comprendre les modes de transformation du paysage dans toutes ses dimensions est un des fondements  de la pratique des paysagistes.
Malgré les évolutions notables de la pédagogie de l'ENSP, cette constante de l'affirmation de la pratique du "projet" comme visée de la formation a, me semble-t-il, contribué à valoriser les paysagistes Français issus de cette école.

 2/  Sa démarche

 Les concepteurs, les maîtres d’œuvre ont beaucoup de choses à dire sur ce qui préside à leur projet et sur ce qui se réalise à partir de lui mais plus rares sont les témoignages sur l'acte de projeter lui-même; c’est-à-dire sur l'ensemble des énergies mobilisées, sur les divers niveaux d'élaboration, les diverses modalités selon lesquelles sa chronologie s'organise. Ils occultent volontiers leur démarche, ses phases d'évolution, de régression, de reprise et d'achèvement.
Or, dès mon arrivée dans cette école, je voulais que l'activité singulière du projet, les divers temps de son élaboration soient la matière de mon enseignement, je voulais donner plus d'éclairage à l'entreprise qu'à son dénouement.
C'est auprès de l'architecte H.Ciriani que j'ai acquis les premiers rudiments d'une pédagogie du projet. Nous nous intéressions à comprendre ce que met en jeu la pratique d'élaboration car nous voulions que l'enseignement progresse sur cette zone d'ombre: la  "Black Box" que la tradition laissait au talent et à l'inspiration.
Le projet de paysage est une réponse spatiale apportée à un faisceau de données plus ou moins conceptualisées, plus ou moins objectives et souvent contradictoires. Ces données (celles du site et du programme) si complètes soient-elles et quelque que soit la manière dont elles sont assemblées (analyse) restent vides d'intentions spatiales, elles sont inaptes à susciter d'elles-mêmes l'espace qui les agencera. Ces données sont "l'objet" du projet, il y manque le "sujet". Ce n'est que dans la médiation de l'objet par le sujet que le projet s'élabore. C'est la manière spécifique dont un concepteur répond à une situation qui donne la forme de l'espace attendu.
Mon enseignement s'est donc toujours intéressé aux individus plus qu'au groupe. Je n'ai jamais cessé de penser que le rôle de l'enseignant n'est pas celui de se substituer à l'étudiant pour lui imposer ses propres modes d'agencement mais de l'accompagner pas à pas au cours de sa démarche.
L'étudiant doit réunir des domaines séparés, résoudre des contradictions il doit expérimenter et représenté l'espace, il doit imaginer.  Il se lance dans un ensemble d'essais dirigés vers un but incertain, mal connu, il se trouve à ce moment, face à des sentiments opposés d'enthousiasme et d'inquiétude.
Le fait d'avoir encadré de nombreux étudiants m'a permis de mettre à jour quelques moments clef de la démarche de projet, souvent accompagnés d'une résistance particulière: résistance de l'étudiant face à ses propres représentations, résistance face au groupe d'étudiant à qui il doit exposer son travail en cours, résistance à l'idée qu'il doit achever son projet et s'en dessaisir et bien d'autres encore qui en jalonnent les différentes phases.
L'enseignant doit alors mobiliser toute son attention pour solliciter, conforter et valider les intuitions de l'étudiant, pour le convier à engager son point de vue, pour qu'il ébauche la matrice à partir de laquelle il va formuler ses premiers agencements, pour qu'il prenne en compte et organise progressivement., sans débordement ni abandon, le faisceau des contraintes.
L'expérience professionnelle de l'enseignant ne s'implique ici qu'au second degré: le fait qu'il ait traversé lui-même de très nombreuses fois le temps de la conception,   qu'il en connaît toutes les difficultés et qu'il les ait, à chaque fois,   surmonté est un facteur qui sécurise l'étudiant et qui l'aide à gérer l'économie d'ensemble de son travail créatif.
Chaque projet est une circonstance particulière où les données extérieures pénètrent librement. On aurait tort d'imaginer qu'il y a une règle établie pour en gérer le flux. On peut tout aborder dans le désordre, c'est le temps long du projet qui, par sa richesse, sa complexité et par toutes les pistes qu'il ouvre, organise à son rythme ce déferlement. La démarche de projet n'est pas linéaire mais récurrente et par ce balayage incessant, toutes les connaissances se donnent et s'organisent progressivement. Dans le cadre de l'enseignement du projet, le professeur est là essentiellement pour accompagner l'étudiant et l'aider à relancer et à gérer ce rythme.

 3/ Les principaux thèmes qui la sous-tendent

 Les thèmes qui fondent la pensée du paysage dans mon enseignement sont bien évidemment, très différents selon les années du cursus et selon l'échelle d'intervention choisie.
Mais certains d'entre eux y sont toujours présents:
Dans le paysage, les éléments constitutifs sont dans un état de forte interrelation. Dans ce milieu où le vivant est le facteur essentiel de la dynamique, les choses existantes échangent entre elles multiplement. Intervenir dans ce réseau complexe demande donc de la connaissance et du doigté, sans quoi la greffe a toutes les chances d'être rejetée. Modifier le paysage est une opération difficile. Ce que le projet apporte de nouveau sur le site doit nécessairement entrer dans le concert des choses.
Être dans le paysage, c'est faire partie d'une étendue, d'un milieu où le système des interrelations est extrêmement puissant. C'est la différence la plus marquante entre le monde des objets, où les choses sont si peu solidaires qu'elles peuvent être posées ou déplacées sans compromettre leur assemblage et le paysage, où chaque élément que l'on ajoute ou retranche peut, à lui seul, perturber le jeu complexe des alliances qui en font intimement coexister toutes les parties.
Chaque site est dans une dynamique plus ou moins lente, un mouvement donc, que chaque modification accélère ou ruine. Soit, nous entrons en force dans le paysage pour imposer, sans discernement, le temps propre de notre projet et celui-ci s'inscrit immédiatement dans la rupture. Soit, nous nous glissons dans ce mouvement et nous enchaînons intimement le temps nouveau du projet au temps long du paysage que l'on modifie. L'art du projet de paysage peut être comparé à celui de la conversation : trois ou quatre personnes parlent entre elles, nous pouvons les interrompre pour imposer une autre parole, mais nous pouvons aussi, prendre quelques minutes pour les entendre et avancer ensuite notre point de vue, de manière à ce que nos idées trouvent leur place dans le cours général de la conversation.

Les éléments d'un paysage sont toujours caractérisés par leur faculté de débordement, par la diversité et la complexité des pactes qui les lient aux éléments voisins. C'est donc aux situations limites que l'on trouve le gisement de toutes les qualités. Celles qui affirment la présence des choses et celles qui, dans le même temps, les estompent pour les faire coexister et les fondre dans un milieu plus vaste.
J'associe volontiers, l'idée d'horizon à cet état particulier des limites qui font paysage.
Par définition, l'horizon est une ligne fictive où, dans le lointain, le ciel et la terre témoignent, à nos yeux, qu'ils se touchent. Leur contact n'est pas une véritable limite comme nous l'ont démontré nos ancêtres marins mais un état provisoire et instable qui peut, sans cesse, être dépassé et retrouvé.
Cette certitude étant établie, nous n'avons plus besoin d'être face à l'étendue pour en éprouver les effets.  Nous pouvons très bien anticiper l'horizon en observant la manière dont  les lieux et les choses du paysage basculent les uns sur les autres et s'enchaînent à l'infini. On  ne peut donc modifier le paysage qu'en étant soucieux de la multiplicité des échanges  qui en font la substance. La limite est une forme particulière de l'espace sur laquelle se concentre et s'affirme plus qu'ailleurs,  l'intensité des  relations.

 Le projet sur le Paysage a, bien entendu, comme visées ultimes l'amélioration et la transformation des lieux, mais il est, avant cela, une méthode qui permet d'en interroger l'histoire et la géographie. Le projet est d'abord un outil de connaissance.

 Un Paysagiste n'est jamais tout à fait l'auteur d'un paysage. Il n'est qu'un des nombreux agents qui entrent dans le cours des choses pour en modifier les configurations. L'avènement de l'"Œuvre " appartient, de fait, à l'espace lui-même et au temps qui l'amende. Nous devons ainsi progressivement nous déplacer de la maîtrise de l'espace à celle du temps !

 Tous ces thèmes se sont confusément construits dans ma pratique professionnelle mais ils se sont fortifiés enrichis et clarifiés dans ma pratique d'enseignant... Les très nombreux projets d’étudiants que j'ai pu suivre  en vingt-cinq ans se sont vraiment ajoutés aux miens pour m'aider à préciser quelques idées sur le paysage et sur la manière d'y intervenir.

 4/ Les difficultés auxquelles elle doit faire face actuellement

 Jusqu’alors j'enseignais à un nombre relativement faible d'étudiants pour chaque projet (une quinzaine ou vingtaine  au plus). Ma pédagogie était centrée sur un rapport très personnel et intense avec chaque étudiant.  Je coordonnais seul mon atelier et je n'avais pas l'obligation d'expliciter ma démarche. J'étais dans la tradition de l'organisation verticale des ateliers où le "patron" assure  la responsabilité du succès ou de l'échec des projets en cours. Où il est face à un petit groupe d'étudiant qu'il accompagne durant une bonne partie de la formation.

 L'école de Versailles a depuis quelques années augmenté sensiblement le nombre de ses étudiants. Demain, les promotions seront de soixante ce qui, me semble-t-il, va modifier profondément le rapport enseignants-enseignés.

L'accroissement du nombre des enseignants que nécessite cette "montée en puissance" de l'école pose déjà toute une série de problèmes liés à la cohérence d'ensemble de l'enseignement du projet et aux relations qu'il doit entretenir avec les autres champs disciplinaires. La formation de masse exige une clarification des méthodes, un renforcement explicite de la pédagogie.

 IV - Je voudrais enfin poser deux ou trois questions sur des notions  qui posent problème dans la formation au projet:

 1- De quelle réalité parle-t-on dans l'enseignement du projet ?

J'ai, me semble-t-il, un attachement de plus en plus marqué pour le contexte  qui, sans nuire à l'inclinaison que j'ai pour le dessin et la mise en forme, m'attire vers une forme différente de projet où la prise en compte des contingences du réel quel qu’il soit'il soit, est très intense. Un projet  qui relève moins de la pulsion que de la connivence avec la réalité.
Or plus on accumule de connaissances sur une situation, plus on fortifie le champ des contradictions entre les différents paramètres considérés : ceux du site et du programme par exemple. Plus on explore les données du lieu et la complexité de la demande et moins on est capable d'agir. On peut, si l'on n'y prend pas garde, s'enliser dans la réalité!
Cette difficulté implique donc que la prise en compte de la réalité soit modulée, progressive, mimée au cours des différentes années de formation. Ce qui conduit inévitablement à sa réduction.
Quel est le niveau de réalité que l'on doit introduire ou exclure à chaque phase pour que l'étudiant ne soit pas submergé?
Je ne suis pas certain de la réponse mais cette question montre bien la différence entre la pratique professionnelle et l'enseignement, entre formation et information.

 2- Comment gérer la complexité, quel sens donner à la progression  de la formation?

 Beaucoup d'écoles résolvent cette question en faisant coïncider le niveau de complexité et la taille des projets avec la progression des années de formation. D'abord des petits projets simples (ou réputés tels), des exercices en première année et d'autres plus importants les années suivantes....
D'autres écoles  ou enseignants thématisent cette question: L'espace public puis la parcelle, puis le territoire.
Le niveau dessinateur, le niveau projeteur, puis le niveau concepteur à part entière.
Nous avions dernièrement pensé une progression qui irait du Jardin au Territoire.
Nous sommes actuellement en train de réfléchir à nouveau en faisant une sorte d'impasse sur cette question en considérant que l'essentiel dans tout projet de paysage est ce que nous appelons "la traversée des échelles" qui consiste à maîtriser simultanément l'ensemble et le détail, le proche et le lointain. La progression d'un projet sur l'autre s'organisant comme une boucle continue qui procède par répétitions, itérations et approfondissements successifs. Mais le nombre des enseignants du projet, tous très différents les uns des autres rend difficile cette démarche.

3- Comment améliorer les rapports transversaux entre les champs d'acquisition de connaissances et les ateliers de projets ?

 Nous avons, depuis toujours,  beaucoup de mal à éviter que les différents champs de la formation (les sciences  humaines, la connaissance du milieu, les techniques du projet de paysage,  les arts plastiques) ne s'instaurent en disciplines autonomes.
Les concepts mis en œuvre dans ces disciplines sont souvent peu ou pas spatialisés  et de ce fait ils n'assurent pas de passage avec l'atelier de projet. Et donc en retour, les étudiants ont beaucoup de difficultés pour instrumentaliser  leurs connaissances  dans le processus d'élaboration du projet.
Il y a antinomie durable entre deux modes de penser et de produire de l'information; celle issue de l'analyse et celle issue de la démarche projectuelle.
Bernard Huet qui est un enseignant architecte très important dit qu'il y a "incompatibilité de logiciel" et qu'il faudrait inventer un décodeur!

EN CONCLUSION

J'ai répondu, me semble t-il, dès l'introduction à la question posée. Le développement de mon exposé montrait ce qui, à mon sens, associe et éloigne la pratique professionnelle et la pratique enseignante, l'erreur, en tous les cas  de les confondre l'une et l'autre.
La profession et à la formation des paysagistes devrait avoir cependant une préoccupation commune celle d'ouvrir encore plus de fenêtres sur tout ce qui se passe dans le temps du projet. Rendre la pratique de projet sur le paysage totalement transparente pour mieux comprendre ses sources, sa dynamique, ses modes  de résolutions, son histoire. Ouvrir cette démarche pour qu'a son tour elle devienne beaucoup plus perméable au monde extérieur et qu'elle entre dans le concert des "choses".
Abandonner la position un peu romantique de l'artiste isolé dans le secret de son atelier pour s'expliquer très largement sur la genèse des projets et de cette connaissance située dans l'histoire des autres, aborder avec beaucoup plus d'acuité la question de la formation des étudiants.

Michel Corajoud

 

Retour: textes disponibles